Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/98

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ne saurait remplacer. Dites, Bois-Rosé, dites, Pepe, le voulez-vous ?

– Corbleu ! si je le veux, répondit l’ex-carabinier d’une voix qu’il s’efforçait de rendre terrible pour cacher son émotion.

– Et vous, mon père, vous ne dites rien ? » demanda doucement le jeune homme.

Le vieux chasseur demeurait, en effet, immobile et muet ; sous l’empire d’une joie qui le privait de la parole, il ne put qu’ouvrir les bras et s’écrier d’une voix tremblante :

« Mon fils, mon Fabian ! ici, sur mon cœur. »

Et le jeune homme sentit se refermer convulsivement sur lui les bras du géant. Une vie nouvelle commençait pour Bois-Rosé. Il venait de retrouver l’enfant de son affection pour ne plus le quitter ; l’élevant alors lentement vers le ciel comme le nouveau-né qu’un père offre à Dieu :

« Oh ! Seigneur, s’écria-t-il, pardonnez-moi ; mais je n’ai pas la force de le dissuader.

– C’est une résolution dont vous pourriez vous repentir, dit Pepe au jeune homme que le Canadien venait de déposer doucement par terre après l’avoir presque meurtri de sa rude étreinte ; réfléchissez-y pendant qu’il est encore temps.

– J’y ai pensé mûrement. Que ferais-je dans un monde que je ne connais pas ? répondit Fabian. J’ai un instant ambitionné la richesse et les honneurs, non pour moi, mais pour les partager. J’espérais encore, il y a quelques jours ; aujourd’hui je n’espère plus, et je rougirais de ne devoir qu’à ma nouvelle condition ce qu’elle m’a refusé quand je n’avais qu’un ardent amour à lui offrir. »

Bois-Rosé et Fabian, absorbés dans leurs pensées, ne firent pas attention qu’après s’être un instant assis derrière le tronc des deux sapins qui croissaient sur le som-