Page:Gagnebin - Petite Nell, 1902.djvu/102

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quand je le pouvais ; à présent, je n’ai plus la force, je ne peux plus…

Il ferma les yeux, et Petite Nell resta près de lui sans faire un mouvement, regardant, comme en rêve, cette belle tête qu’elle avait toujours tant admirée et qu’elle trouvait plus belle encore, d’une beauté plus grave, plus majestueuse, plus insaisissable. —

Mon Dieu, était-ce vrai ?

Un nuage passa sur ses yeux, et ses mains se joignirent fortement.

Ah ! c’est qu’il est affreux, ce spectacle : la jeunesse, la vie, la beauté aux prises avec la mort !

Pourtant, elle ne pleurait plus, elle ne se débattait pas.

Oh ! comme c’était étrange, ce calme, cette force qui lui était venue, toute seule, à l’heure du besoin, avant même qu’elle l’eût demandée ! Elle restait là, tranquille, sachant que l’heure approchait, qui devait lui enlever toute joie, tout espoir, qui devait briser son cœur, et elle ne luttait plus, elle attendait…

La nuit était venue ; le malade s’agitait sur sa couche, ses grands yeux ardents se tournaient sans cesse vers sa sœur.

— Petite Nell, à présent, je regrette que tu sois seule, j’aurais dû te laisser écrire…

— Non, non, mon chéri, nous sommes très bien ainsi, rien que nous deux.

Il ne répondit pas et fit un effort pour aspirer un peu d’air.

— Nous aurons de l’orage, tu seras mieux après ; le ciel est déjà tout noir.