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— Peut-être ; le désirez-vous ?

— Le désirer ! Non, non, j’en ai une peur affreuse à présent, mais n’importe, même si je devais partir demain, sœur Hélène, je ne regretterais pas d’être venue chez vous ; et quand je serai bien loin, bien seule, bien triste, alors je penserai à ces beaux jours passés avec vous, et j’en remercierai Dieu de tout mon cœur.

Et la journée passa sans amener les réponses attendues avec si peu d’impatience ; et, quand enfin la poste apporta deux ou trois grandes enveloppes de couleur et de format peu attrayant, sœur Hélène déclara que les conditions étaient inacceptables et qu’il fallait attendre quelque chose de mieux, de beaucoup mieux. Et l’on attendit, et pendant ce temps l’automne dorait toute la montagne, et la nature se mettait en fête, comme pour s’étourdir avant l’adieu final.

Mais ces beaux jours, comme tout ce qui est beau, passèrent comme un rêve. L’hiver était là.

L’hiver c’est la saison de la souffrance, pour tous, mais surtout pour celui dont le bûcher est vide, la garde-robe insuffisante, le garde-manger dépourvu. Sœur Hélène qui le savait, s’y préparait longtemps à l’avance, et sa charité ne consistait pas seulement à soulager le malheureux qui venait frapper à sa porte, mais aussi à chercher celui qui se cache ; et Petite Nell ne tarda pas à s’apercevoir qu’elle savait exactement où se tenait le pauvre, le nécessiteux, l’affligé. Et elle se demanda avec étonnement comment elle avait pu croire si longtemps qu’il suffisait pour être charitable de tendre un morceau de pain ou une