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s’il s’apercevait du changement ; mais ce qu’il voyait très bien, par contre, c’était l’air heureux de sa sœur.

Une seule chose l’inquiétait : que ferait Hélène, quand cette petite figure aurait disparu de son horizon ?

Et les semaines succédaient aux semaines, et il avait été convenu qu’elle ne parlerait plus de s’expatrier, qu’elle passerait l’hiver où elle était, un hiver qui ne finirait que lorsqu’elle s’en irait rejoindre son frère.

Pour me faire plaisir, avait dit sœur Hélène, et pour lui faire plaisir, rien que pour cela, son frère s’était remis à chanter. Mais, chose étrange, ce plaisir qu’elle avait réclamé, c’était elle, qui, chaque soir, devait y mettre fin, devait dire : « c’est assez » ; car ils étaient infatigables dans leur désir de la satisfaire, si infatigables qu’elle eût pu croire, si elle eût été capable d’une aussi mauvaise pensée, qu’ils se faisaient plaisir à eux tout d’abord, tant ils y mettaient de zèle.

Où s’en allaient, pendant ce temps, les longs silences de M. le docteur et la sauvagerie de Petite Nell ? Ils auraient été bien embarrassés de le dire, et sœur Hélène, qui n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles, passait d’un étonnement dans un autre en les entendant non pas se quereller mais discuter, assez vivement parfois, sur les avantages et les désavantages de la musique ancienne et moderne, sur la valeur de tel ou tel compositeur. Et s’ils ne parvenaient pas à se convaincre, tout dissentiment disparaissait dès