Page:Gagnebin - Petite Nell, 1902.djvu/90

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Elle hésita.

— Mais je n’ai pas encore dit adieu au docteur, il part de grand matin, n’est-ce pas ?

— Ah ! c’est vrai, j’oubliais de vous le dire, il vous a attendue très longtemps, il est même allé à votre rencontre, mais il est monté tout à l’heure me dire que je devais vous faire ses adieux, qu’il n’en pouvait plus de fatigue.

Petite Nell n’ajouta rien ; demain, quand sœur Hélène serait mieux, elle pourrait tout lui dire ; pour le moment, elle devait le porter seule. Elle se glissa donc dans sa petite chambre et commença à se déshabiller.

Était-ce pour la punir que Dieu la séparait encore de son frère ? Avait-elle trop pensé au chagrin de quitter ses amis ? Avait-elle oublié le bienfait pour ne voir que le sacrifice ? Mais Il savait pourtant qu’elle était prête à tout quitter pour le retenir ; oui, en cet instant, elle pourrait tout abandonner sans se plaindre, pourvu qu’il renonçât à partir.

Mais il n’y renoncerait pas. Oh ! qu’allait-elle faire pendant ces deux années d’absence ! Retourner vivre chez tante Olympe ? Jamais. Rester chez sœur Hélène ? Cela n’avait plus de raison d’être. S’en aller au loin, gagner son pain ? Elle n’en avait plus envie, l’inconnu lui faisait peur ; et pourtant c’était la seule chose qu’elle eût à faire.

Oh ! que c’était peu ce qu’elle avait rêvé ! si peu, qu’elle mit sa tête sous ses couvertures pour étouffer le bruit de ses pleurs. Si du moins elle était sûre qu’au bout de ces deux ans… mais elle n’osait plus y croire, elle avait trop attendu ; et, pendant ce temps,