Page:Gagnebin - Petite Nell, 1902.djvu/91

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que de choses pouvaient arriver… qui sait même s’il réussirait, qui sait si le climat lui conviendrait. Oh ! quelle horrible chose que la vie, comme elle en était fatiguée ! si fatiguée que tout doucement, sans qu’elle s’en aperçût, le sommeil vint clore ses paupières, et elle s’endormit sans se douter que, sous le toit qui l’abritait, elle seule avait ce privilège.

Sœur Hélène n’avait encore pu trouver aucun repos ; le départ si prochain de son frère commençait à lui faire peur ; et puis, à son retour, ce serait Petite Nell qui la quitterait, encore une peine en perspective !

Mais, heureusement que lui partait le cœur léger, joyeux, sans se douter des tristes pensées qui la tenaient éveillée.

Comme elle était contente d’avoir pu répondre gaiement à son bonsoir ; ainsi, aucune inquiétude ne troublerait son sommeil ; il aurait encore une bonne nuit avant de partir, une nuit qui le reposerait du surcroît de travail des derniers jours, car il devait être terriblement fatigué, pour n’avoir pas eu le courage d’attendre le retour de Petite Nell.

C’était vrai, il n’avait pas eu ce courage, et pourtant il l’avait entendue rentrer, peu d’instants après lui, et, pendant quelques secondes, il avait tenu la poignée de sa porte, puis il l’avait abandonnée et était revenu à son fauteuil.

Oui, sa sœur avait raison, il était si fatigué qu’il n’avait plus même le courage ni le désir de partir.

Et pourtant, non, il n’aurait pas voulu revenir de sa décision, il aurait même voulu être déjà loin et regrettait de n’être pas parti avant… avant quoi ?