Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/13

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Une voisine, remplissant les fonctions de garde, rôdait dans cet intérieur lugubre, attisait le feu, secourait la malade.

Un des enfants dit tout à coup :

« J’ai faim. »

Et les autres répétèrent :

« J’ai faim. »

La vieille ouvrit un bahut, en tira un morceau de pain noir qu’elle partagea entre les cinq enfants.

La petite Marie, qui était l’aînée, voyant les portions si minces, refusa la sienne pour la distribuer aux autres.

Elle alla s’asseoir devant le feu, qu’elle contempla tristement, et à la dérobée elle jetait un regard avide sur ses sœurs qui mangeaient.

Jacques Bordier se détourna pour ne pas voir.

La voisine, ayant examiné la malade, dit à Marie :

« Dépêche-toi, ma fille, de coucher les enfants. »

Il n’y avait qu’un lit pour les cinq petites. C’était un cadre de bois qui contenait une paillasse recouverte de guenilles.

Marie plaça les trois plus grandes au pied, coucha la plus jeune à la tête et s’étendit à côté d’elle.

Bientôt les enfants s’endormirent, excepté Marie, qui, chaque fois que sa mère faisait entendre un nouveau cri de douleur, soulevait sa tête, effrayée et curieuse, et, les yeux pleins de larmes, regardait.

« Si c’est encore une fille, dit Jacques d’une voix sourde, dès demain je pars.

— Vous ne ferez pas cela, répondit la mère Michu. Le bon Dieu ne vous abandonnera pas. »

Jacques hocha la tête.