Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/14

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« Le bon Dieu !

— J’ai fait prévenir hier Mlle Borel de votre malheureuse position. Elle vous viendra en aide ; car ce sont de braves gens, ces Borel.

— Si j’allais à la messe, à la bonne heure ; mais Mme Borel est dure pour ceux qui ne fréquentent pas l’Église. Moi, faire des momeries, jamais !

Mme Borel, je ne dis pas ; mais sa belle-sœur, Mlle Bathilde, n’est guère dévote ; c’est à elle que j’ai fait parler. Elle viendra, vous verrez.

— Ah ! c’est toujours l’aumône, l’humiliation… J’ai du courage cependant, et deux bras pour travailler. Mais voilà vingt jours que la neige nous ôte le pain ! Et cinq filles à nourrir ! Si cela continue, il faudra bien faire comme les autres, partir et aller mendier. Mendier[1]!!! »

Il se cacha la tête dans les mains.

La malade écoutait, le regard fixe. La souffrance physique et l’excès du désespoir semblaient avoir pétrifié son visage dont les lignes, dans cette immobilité, revêtaient une distinction peu commune.

Cependant la douleur grandissait. On l’entendait aux vibrations de plus en plus stridentes de la voix.

Enfin un cri suprême annonça la fin de la crise.

Un enfant était né.

« Eh bien ! demanda Jacques en se soulevant avec anxiété.

— C’est une fille, répondit à demi-voix la voisine.

  1. D’après M. de Watteville, il est des localités dans la partie montagneuse de l’Ardèche dont presque tous les habitants quittent leur domicile pendant l’hiver pour se livrer à la mendicité, soit dans les communes de ce département, soit dans celles du Dauphiné, où la température est moins rigoureuse.