Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/20

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Ainsi, comme il arrive souvent, l’esprit de conservation étouffait parfois en lui le sentiment de la bienveillance et de la justice.

M. Borel avait environ soixante ans. Il était grand, d’un blond grisonnant. Il possédait l’embonpoint qui sied à un homme de cet âge et de cette importance. Sur sa figure douce se lisaient les vertus domestiques. Tout en se targuant de libéralisme, il se disait chrétien ; car il regardait la religion comme un frein nécessaire. Il allait aux offices les jours de grande fête. Ses deux filles avaient été élevées au Sacré-Cœur, et son fils au collége des Jésuites.

Mme Borel était une nature passive, religieuse jusqu’à la superstition. Elle était dame patronnesse d’une foule d’associations pieuses, et chaque année elle faisait quelque vœu à Notre-Dame de Fourvières.

Professant au plus haut degré le respect pour le sexe fort, elle admirait toutes les idées de son mari sans chercher à les comprendre ; mais en revanche elle critiquait avec âpreté, sans les comprendre davantage, les opinions généreuses et avancées de Mlle Bathilde sa belle-sœur.

Il y avait entre Mlle Borel et son frère une complète dissemblance de pensée et de caractère.

Indifférente aux questions de détail, son intelligence élevée ne se plaisait qu’aux vastes synthèses. C’était non-seulement un esprit supérieur, mais un grand caractère, passionné pour la justice, inaccessible aux préoccupations égoïstes.

On lui refusait la tendresse ; on l’accusait parfois d’insensibilité ; mais elle avait au suprême degré cette bonté réfléchie qui excuse toutes les faiblesses parce qu’elle tient compte des luttes entre les organisations et