Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/21

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les milieux où ces organisations se développent, parce qu’elle tient compte surtout des déviations causées par la contrainte qu’imposent souvent à nos penchants les lois morales ou sociales.

Dans sa jeunesse, Mlle Borel avait, elle aussi, pratiqué la charité chrétienne, c’est-à-dire l’aumône ; mais elle eut bien vite reconnu l’impuissance de ces secours isolés. Son esprit avait mûri, et son cœur s’était ouvert à de plus larges sentiments. Une souffrance individuelle l’affectait sans doute, mais surtout comme symptôme social. Le dévouement à l’individu lui paraissant stérile, elle fut entraînée vers les études et les spéculations qui remontent aux causes mêmes du mal afin de les détruire.

Ainsi préoccupée d’intérêts généraux, elle n’avait jamais pensé au mariage. Sa supériorité et ses idées indépendantes très-connues avaient aussi effrayé les prétendants que sa fortune eût pu attirer. Elle était assez forte pour supporter l’isolement, et les affections intimes ne lui étaient point indispensables. D’ailleurs l’adoption de Madeleine Bordier, le soin qu’elle avait pris de l’éducation de cette enfant, avaient occupé son cœur. Cette maternité élective satisfaisait son caractère élevé mieux que ne l’eût fait peut-être la maternité du sang.

Mlle Bathilde montrait une grande indulgence pour l’infériorité intellectuelle des personnes qui l’entouraient. Cependant la fermeté qu’elle mettait à défendre ses opinions, faisait dire parfois que, semblable à toutes les vieilles filles, elle tournait à l’aigreur. Elle était respectée, mais non point aimée de son neveu et de ses nièces, dont elle critiquait l’éducation ultra-catholique.

Mlles Laure et Béatrix, au sortir du couvent, avaient