Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/25

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— Quand je devrais y perdre jusqu’à mon dernier sou, reprit avec force M. Borel, moi, je ne céderais jamais.

— Mais votre industrie n’offre pas les mêmes inconvénients que la nôtre.

— C’est vrai, nous avons moins à redouter que vous les grèves et les crises industrielles. La soierie se tisse dans des ateliers avec un outillage qui n’appartient pas au fabricant. Quand une crise se manifeste, nous suspendons nos commandes, et, n’ayant aucun capital engagé, nous perdons seulement l’argent que nous ne gagnons pas. Mais aussi le mauvais côté de cette organisation, c’est que, ne demandant que de faibles capitaux, elle permet à une foule de petits industriels de nous faire concurrence. Pour se soutenir, ils fabriquent à tous prix et fabriquent mal, gâtent les ouvriers et compromettent la haute considération dont la fabrique lyonnaise jouissait naguère. Beaucoup même ont adopté l’aune droite au lieu de l’ancienne aune à crochet. C’est depuis longtemps un grave sujet de conflit entre l’ouvrier et le fabricant.

— Et l’ouvrier a raison, dit Mlle Borel d’un ton cassant.

— L’ouvrier a tort ; l’usage fait loi, » répliqua sur le même ton M. Borel.

Béatrix avait cessé de chanter, et Lionel était venu s’asseoir à côté de Madeleine.

Madeleine, qui écoutait la conversation, avait interrompu son travail.

« Comment, mademoiselle, dit Lionel, d’un ton à demi railleur, vous vous intéressez à de pareilles questions ?