Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moiselle-Lucie ; mais, en revanche, sa maîtresse se nommait Pouliche.

« Mademoiselle-Lucie avait aujourd’hui ses nerfs, exactement comme une jolie femme, répondit Maxime. Les beaux chevaux et les jolies femmes, voilà mes passions. Ah ! par ma foi ! s’il est vrai que l’horizon soit chargé de nuages, jouissons toujours, et après nous le déluge ! Louis XV était un philosophe qui valait bien Jean-Jacques. Vos idées d’amélioration, ma tante, me semblent impraticables. Si toutes les femmes allaient devenir indépendantes, dignes, quakeresses, ce serait la mort de notre société qui vit de luxe, d’oisiveté, de raffinement, j’oserai même dire de galanterie. J’espère que nos adorables Françaises y regarderont à deux fois avant de se laisser endoctriner. Ne faut-il pas que de mauvais sujets comme moi, qui ne saurions être autre chose, trouvent aussi une existence en rapport avec leurs facultés ?

— Vous déraisonnez, Maxime, interrompit sévèrement Mme Borel, jusque-là silencieuse. Sans doute il y aura toujours des privilégiés et toujours des malheureux ; non pas afin que vous puissiez satisfaire vos mauvais penchants, mais parce que Jésus-Christ a dit : « Il y aura toujours des pauvres parmi vous. »

— C’est évident, s’écria Mme Daubré. S’il n’y avait plus de pauvres, nous n’aurions plus de domestiques. Qui laverait ma vaisselle ? Qui brosserait mes souliers ? Je ne puis cependant pas brosser mes souliers. »

Elle agitait, pour la faire admirer, sa main blanche et effilée.

« Et, reprit Maxime avec ironie, quels moyens, nous, riches, aurions-nous de faire notre salut ? Nous n’avons que l’aumône pour racheter nos péchés. À chacun son