Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/33

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lot : les pauvres se sauvent par la souffrance ; nous nous sauvons, nous, par le plaisir de faire le bien. Dieu est juste, tout est pour le mieux.

— Ne plaisantez pas avec ces choses-là, Maxime, dit encore Mme Borel.

— Il est certain, reprit hypocritement Mme Daubré, qui voulait gagner la mère de Maxime, que l’aumône est sainte, et que la charité chrétienne a plus avancé le progrès que tous les discours des philosophes.

— C’est ce que je nie, repartit Mlle Borel. Avec l’aumône, peut-être sauve-t-on son âme ; mais, à coup sûr, on perpétue le paupérisme.

— Et cependant sans l’aumône, se récria vivement M. Borel, que deviendraient toutes ces familles qu’une maladie, un chômage, la mort de leur chef réduisent à la dernière misère ?

— À Lyon, répliqua Bathilde, vous avez au moins quatre-vingts associations charitables, qui toutes fonctionnent admirablement. Quand l’industrie est prospère, elles suffisent à peine ; mais vienne une crise commerciale, et vous voyez combien la charité privée est impuissante contre un tel flot de misères. Sans doute, l’aumône est louable au point de vue de l’intention ; mais, comme tous les palliatifs, elle entretient le mal au lieu de le guérir. Je pense comme M. Wolowski, que « l’aumône est une sorte de régime protecteur de la misère. » Elle avilit les âmes et développe la paresse. Loin de resserrer les intérêts des classes, comme vous paraissez le croire, elle inspire le mépris chez celui qui donne et la haine chez celui qui reçoit. La doctrine religieuse de l’aumône et de la résignation a produit beaucoup de mal. Voyez le moyen âge et aujourd’hui l’Espagne avec ses légions de mendiants !