Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/51

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ges de nos campagnes surgir des êtres susceptibles d’un très-grand perfectionnement artistique et intellectuel.

Quoique née de parents incultes, Madeleine était douée d’aptitudes très-variées et fort étendues. Cette intelligence, à la fois prime-sautière et cultivée, se reflétait dans sa beauté, qui frappait bien plus par l’originalité que par la parfaite correction des lignes.

Sa peau brune, ses grands yeux de gazelle, un peu sauvages, le carmin éblouissant des lèvres, les frémissements voluptueux de la narine, sa taille cambrée et souple dénotaient la vigueur des races primitives ; mais on trouvait aussi chez elle les caractères distinctifs des générations raffinées ; un profil droit, le fini des modelés, la petitesse des mains et surtout l’expression méditative du regard.

Ces contrastes, qui se heurtaient dans son visage, causaient au premier abord une sorte d’inquiétude. Sa figure paraissait étrange, et cependant elle attirait. Songeuse, elle semblait dure ; mais le sourire l’illuminait et lui prêtait une grâce, une douceur captivantes.

Les femmes délicates et nerveuses la déclaraient laide, car il y avait entre ce type et le leur une trop complète dissemblance. Mais les hommes, les hommes blasés surtout, à première vue en tombaient épris.

Après s’être admirée, elle se détourna du miroir avec impatience.

« Que ne suis-je blonde, maigre et riche comme Mme Daubré ? soupira-t-elle… Mais je serai célèbre, riche peut-être, et alors… »

Et, faisant un effort, elle se mit à travailler.

Sa bouche devint sérieuse, sa narine se souleva, son