Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/55

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— Il faut convenir, Bathilde, appuya Mme Borel, que vous donnez à cette jeune fille une singulière éducation. Vous l’autorisez à sortir seule, à lire des romans et des livres contre la religion, vous lui permettez de recevoir des lettres et d’en écrire sans vous les soumettre.

— Pourquoi n’ajoutez-vous pas de penser toute seule ? Il faut juger un système d’éducation d’après les résultats qu’il produit. Qu’avez-vous à reprocher à Madeleine ? N’est-elle pas parfaitement sincère, bonne et modeste ?

— Oui, c’est vrai, confirma M. Borel.

— Cependant, ma tante, ajouta Maxime, laissez-moi vous dire que si je rencontrais dans la rue, se promenant seule, une fille avec ces yeux-là qui vous attirent comme l’aimant, avec ces lèvres aux tons violents, avec cette démarche d’une réserve si provoquante, j’en tomberais éperdument amoureux. Elle est horriblement séduisante, votre petite Madeleine, et si ce n’était la vénération que je vous dois…

— Taisez-vous, Maxime, interrompit vivement Mme Borel. N’oubliez pas devant qui vous parlez.

— Je l’observais hier au soir, insinua Béatrix, qui ne pardonnait pas à Madeleine le sentiment de jalousie qu’elle lui avait inspiré la veille, je crois que sous sa simplicité elle cache beaucoup de prétentions et d’orgueil.

— Et sur quoi appuyez-vous votre jugement ? repartit sévèrement Mlle Borel.

— Moi, je la crois bonne fille, dit Laure ; mais elle m’agace avec ses airs de muse.

— Je vous assure, Bathilde, reprit encore Mme Borel avec un peu d’aigreur dans la voix, que je ne suis pas sans inquiétude à l’égard de votre protégée. S’il lui