Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/57

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moralité personnelle les soutiennent, les fortifient, les conduisent dans la vie. Il faut davantage : elles doivent pourvoir à leur existence, préparer leur avenir, au lieu de l’attendre de la vente de leur personne au plus offrant par des liaisons honteuses ou des mariages intéressés.

« En développant chez elles ces sentiments de dignité, on leur donne une tout autre attitude en présence des hommes. Au lieu de les élever dans une ignorance systématique du monde, montrez-leur les pièges qu’on leur tend, les précipices où l’on cherche à les attirer. Elles sauront, ne serait-ce que par un intérêt bien entendu, résister aux séductions. Or, c’est dans ces principes que j’ai élevé Madeleine, et je réponds d’elle.

— Assurément, repartit Mme Borel avec l’opiniâtreté irraisonnée d’une bonne catholique, s’il ne s’agissait de la compagne de mes filles, je me fusse abstenue de toute observation ; car je sais que sur ce terrain nous ne nous entendrons jamais. Moi, je veux faire de mes filles des femmes du monde, vivant selon le monde, comme tout le monde ; tandis que vous élevez Madeleine pour une société qui n’existe pas.

— Eh bien ! Euphémie, puisque nous sommes sur ce chapitre, soyez tout à fait sincère. La présence de Madeleine vous importune, n’est-ce pas ? la mienne aussi peut-être ? Vous craignez sans doute que, à la longue, mes idées voltairiennes, comme vous les appelez, ne compromettent le salut de vos enfants, et peut-être craignez-vous encore que la beauté de Madeleine ne nuise à leur établissement dans ce monde. Aussi bien j’ai des projets de voyage. Quant à Madeleine, je la caserai convenablement.

— Voyons, voyons, ma chère Bathilde, interrompit