Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/62

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Ayant achevé cette lecture :

« Que puis-je, dit-elle avec accablement. Mon Dieu ! que puis-je ? M’adresser à Mlle Borel, qui a déjà tant fait pour nous ; je n’oserais pas. Demander à M. Borel une avance pour Marie, ce serait lui demander un secours. Je ne puis cependant me résoudre à mendier, quand j’ai de l’éducation, de l’intelligence et des bras, quand je puis travailler en un mot.

« Pauvre Marie ! pauvre mère ! bonnes et chères âmes, qui souffrez depuis que vous êtes au monde, et qui avez encore la force d’aimer et de vous dévouer. Oui, il faut sauver Claudine d’un malheur certain et pire que la mort.

« Voyons, dois-je mettre un sentiment d’orgueil au-dessus d’un intérêt si cher ; et, pour rendre un peu de bonheur à toute cette famille désolée, ne dois-je point abaisser ma fierté ? Oui, sans doute, si je ne trouve pas d’autre ressource.

« Et cependant, après l’investigation si peu bienveillante dont je viens d’être l’objet, puis-je croire qu’on me regarde encore ici comme l’enfant de la maison ? Et qu’ai-je fait pour démériter ? Mme Borel aurait-elle découvert mon secret ? ou Maxime lui-même… Je ne sais pourquoi, lorsqu’il me regarde, j’éprouve un si grand trouble. Tout à l’heure, il m’a semblé que lui aussi… Non, il ne pense pas à moi. II faut que je sorte d’ici. Mais songeons au plus pressé. Comment me procurer l’argent nécessaire au voyage de Claudine ? »

Elle se leva, prit dans un tiroir les quelques bijoux qu’elle possédait.

Puis elle retourna une toile qui était encore sur le chevalet, et elle la regarda longtemps.