Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/63

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C’était un petit tableau de genre. Il y avait de la naïveté sans doute dans cette composition, et peut-être quelques fautes de dessin. Mais c’était plein de lumière, de poésie, d’expression.

La veille, Madeleine avait beaucoup admiré son tableau. Elle avait mis sur cette toile, comme dans son poème, son âme d’artiste. Maintenant elle doutait. C’est que l’heure présente était un moment décisif. Jusqu’alors elle n’avait eu que des juges bienveillants. Elle allait savoir ce que valait au juste son talent ; car elle pensait à vendre cette peinture.

Elle s’habilla modestement, dissimula sa toile sous son manteau et sortit.

C’était par une froide journée de mars, brumeuse et sombre, que Madeleine descendit des hauteurs de ses rêves pour aborder le monde réel.

Arrivée sur le boulevard, elle avisa un magasin où, dans une riche devanture, brillaient des tableaux anciens et modernes, fraîchement vernis, encadrés de dorures éclatantes.

Au moment d’entrer, elle s’arrêta. Elle n’osait point ; son cœur battait violemment. Mais, ayant jeté un coup d’œil sur sa toile, elle s’enhardit et entra.

« Je voudrais vendre cette toile, » dit-elle d’une voix si faible qu’on lui demanda de nouveau ce qu’elle désirait.

Le commis prit le tableau et le porta au marchand, occupé alors avec d’autres personnes, et qui répondit d’un ton rude : « Faites attendre. »

Au bout d’un quart d’heure, il s’approcha de Madeleine, regarda attentivement son tableau, mais sans proférer une parole.

Madeleine l’observait avec autant d’anxiété que s’il