Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/69

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Pendant que les deux vieillards devisaient ainsi, Madeleine revenait bien triste, en effet, bien découragée. Maintenant elle doutait de son talent, elle doutait de l’avenir. Elle pensait aussi à la détresse de sa famille, et elle ne possédait que cent francs pour la soulager. Dans son ignorance des choses, elle avait compté que son tableau et ses bijoux lui rapporteraient au moins trois cents francs.

Il lui restait encore son poëme. Mais il n’était pas terminé. D’ailleurs, où le porter ? Comment l’accueillerait-on ? Après la rude déception qu’elle venait d’éprouver, elle sentait faiblir son courage, et s’évanouir ses illusions.

En réfléchissant ainsi, elle était arrivée rue Louis-le-Grand. En face du no 31, elle s’arrêta, frappée d’une idée subite.

C’était là que demeurait Mme Daubré.

Madeleine venait de se rappeler que Mme Daubré avait demandé la veille une institutrice pour sa fille.

« Elle me connaît, se dit Madeleine, elle m’agréera ; mais me présenter seule ainsi ? Ne conviendrait-il pas d’en parler d’abord à Mlle Borel ? Non. Par affection peut-être, elle voudrait me retenir auprès d’elle, et je ne pourrais lui dire ce que je souffre des dédains de Laure et de Beatrix, des critiques blessantes de leur mère. Je n’oserais non plus lui parler de Maxime. Si je lui raconte les misères de ma famille, elle m’offrira de la secourir. D’ailleurs, ne m’a-t-elle pas enseigné à me conduire seule ? Quand il s’agit d’aider ma mère et mes sœurs, de sauvegarder ma dignité, pourrait-elle m’en vouloir de n’avoir écouté que ma fierté et mon cœur ? »

Au moment où elle allait entrer, elle hésita. Habiter