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VII


Mme Daubré, née de Lomas, était une Lilloise blonde et frêle, avec de grands yeux vert de mer, un peu rêveurs et couverts ; des yeux perfides, des yeux félins en un mot. La figure fine, allongée, le nez aquilin, d’une courbe délicate, la narine nerveuse et transparente, des mains diaphanes, blanches et effilées, en faisaient un type vraiment aristocratique. Tout cet ensemble accusait une impressionnabilité presque maladive, jointe à une grande sécheresse de cœur, résultats ordinaires d’une vie oisive et du développement excessif de la personnalité.

Mme Daubré posait en vaporeuse, ce qui, malgré les tendances ultra-réalistes de notre époque, est encore bien porté, dans certaines provinces du moins. Elle affectait donc de s’envelopper de gaze, de tulle et d’étoffe légère. Ce goût pour le nuage tenait-il à la disposition poétique de son esprit ? Non, elle était maigre et cherchait à fondre des lignes un peu trop anguleuses.

Cette femme n’était ni bonne, ni mauvaise, ni vieille, ni jeune, ni laide, ni jolie, ni sotte, ni spirituelle. Et cependant, à force d’artifices, de poudre, de cold-cream et de mots appris, elle réussissait à passer pour une jeune et jolie femme de beaucoup d’esprit.