Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/80

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moites, dessèche les lèvres et contracte si douloureusement l’organisme.

Au bout d’un quart d’heure, on l’introduisit au salon.

Albert Daubré, le jeune admirateur de Mlle Borel, s’y trouvait assis, plongé dans une rêverie si profonde qu’il ne s’aperçut pas de l’arrivée de la jeune fille.

Madeleine prit un fauteuil, et comme Albert, qu’elle n’avait vu qu’une fois, gardait le silence, elle s’approcha de la table pour feuilleter un album.

À ce mouvement, M. Daubré sortit de sa méditation, tourna la tête, et voyant Madeleine debout devant lui, il demeura stupéfait.

La jeune fille s’excusa de l’avoir dérangé.

« Mademoiselle, balbutia-t-il, vous me voyez interdit. Je croyais faire un rêve. C’est bien vous que j’ai rencontrée hier chez M. Borel ?

— C’est bien moi, répondit Madeleine en souriant.

— Excusez, je vous on prie, mon impolitesse. C’est que, voyez-vous, je suis un rêveur. Élevé en Allemagne, j’ai pris du caractère allemand, les manières gauches, la timidité et jusqu’à l’esprit nuageux. Or, à l’instant même, je pensais à Mlle Borel, dont l’intelligence remarquable et les idées généreuses m’ont vivement impressionné. Je pensais… Mais pourquoi ne l’avouerais-je pas ? je pensais à vous aussi qui aviez le courage de l’applaudir.

— Ah ! monsieur, quel courage faut-il pour approuver ce qui est noble et juste ? » interrompit Madeleine.

Albert la contempla un instant avec respect, puis il ajouta :

« Donc, mademoiselle, je pensais à vous, et, comme un Allemand superstitieux que je suis, j’ai cru, en vous