Page:Gaillard - Le Royaume merveilleux, 1917.djvu/8

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Dès la signature de la paix, Lucien était retourné à Cuzco, capitale de l’Empire, où, après un chaleureux accueil de la part du monarque et de sa famille, il avait eu un long entretien avec celui-ci. Mon fils, crois-tu à une paix durable ? interrogea l’inca, Non, répondit Lucien, je ne crois qu’à une trêve de cinq ou dix ans, puis la lutte recommencera plus meurtrière qu’auparavant. Vous devez vous rendre compte que la défaite qu’ils ont subie leur est plus cuisante au point de vue moral que matériel. Ils n’admettront jamais que des sauvages, comme ils nous appellent, puissent vaincre des civilisés comme eux. Par l’apport effréné d’émigrants, leur sang, leur mentalité se sont transformés au point de ne voir en nous, leurs anciens frères, que des êtres inférieurs.

Ils vont donc mettre à profit l’expérience du passé pour nous battre à leur tour. À mon avis, ils n’essayeront plus de jonction ni d’opérations en commun, mais tacheront, chacun de son côté, de nous attaquer. Ce qui aura le désavantage pour nous, d’éparpiller nos forces défensives.

En outre, ils vont faire appel à nos anciens alliés d’hier pour s’assurer tout au moins leur neutralité. J’ai idée qu’ils l’obtiendront, car si le Pérou, la Bolivie et le Paraguay ont fait cause commune avec nous, c’est parce que c’était leur intérêt. Une fois satisfaits, la logique veut qu’ils se tiennent à l’écart.

Atahualpa ii se leva de son siège et arpenta fébrilement la chambre. Ainsi, dit-il, en s’arrêtant devant Lucien, tu crois que nous sommes destinés à périr ? Ne pouvons-nous pas essayer de trouver de nouvelles alliances ? Lesquelles ? demanda Lucien. L’Équateur hait le Pérou et finira tôt ou tard par se battre avec lui. La Colombie hait l’État de Panama et l’aurait déjà attaqué sans les États-Unis qui l’ont sous leur protectorat. Le Vénézuela finira également par se battre avec la Colombie, de même que l’Uruguay avec le Paraguay. Comment voulez-vous donc, qu’ayant tant de soucis entre eux, ils épousent notre cause ?

Alors, dit l’inca, que faut-il faire ? Me donnez-vous pleins pouvoirs pour agir à ma guise ? demanda Lucien.

Oui, mon fils, dit Atahualpa ii. Eh bien. Je vous jure que moi vivant, ils ne vaincront jamais. Je ne peux pas vous dire d’emblée, comment je m’y prendrai, car je n’ai pas étudié la question à fond mais je vais faire appel largement aux nouvelles inventions, encore embryonnaires, pour les utiliser à notre profit. Pour cacher notre jeu vis-à-vis de l’A. B, C., nous allons garder 250,000 hommes et licencier les autres, tout en conservant notre cadre d’officiers et sous-officiers.