Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T2-1856.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
DU COU ET DU RESTE DE L’ÉPINE.

considérable, de la faculté de s’étendre. Sans doute on admirera cette œuvre première de la nature qui a su trouver une substance qu’elle approprie à des utilités fort différentes.

En effet, d’un côté, pour que les parties articulées fussent à la fois solidement attachées et maintenues en contact, et pour qu’elles ne pussent pas se détacher aisément les unes des autres dans les mouvements violents, il fallait que le ligament fût aussi dur et aussi résistant qu’il est possible ; d’un autre côté, pour obéir sans peine aux os tirés par les muscles, le ligament devait être mou et par conséquent faible. Or le fort est contraire au faible et le dur au mou. Quel art la nature a-t-elle donc déployé à ce sujet en imaginant un corps qui réunit suffisamment l’un et l’autre avantage et qui de plus est à l’abri des lésions ? Vous l’apprendrez par la dissection même. Vous verrez que tout ligament est, d’une part, assez dur pour attacher avec solidité et en même temps pour ne pas gêner le mouvement réciproque des os, et, d’une autre, assez souple pour n’être ni froissé ni rompu aisément. C’est une observation que vous pouvez entendre aussi de la bouche même d’Hippocrate[1] : « Tous ceux, dit-il, chez lesquels une humeur surabondante alimente les enveloppes articulaires sont exposés à voir les extrémités de leurs membres se déboîter. » Quant à ceux, au contraire, qui sont courbés par la rigidité des articulations, vous n’ignorez pas, je pense, car vous en voyez tous les jours, combien ils sont gênés dans leurs mouvements ; mais, dans l’état normal, les corps qui constituent les articulations, et particulièrement les tendons et les ligaments, ont entre eux une proportion parfaite qui donne de l’agilité au mouvement et les garantit eux-mêmes de toute lésion.

Personne ne méconnaît qu’il faille admirer sans réserve l’art dans les œuvres où la proportion est si exactement observée que la moindre addition ou le moindre retranchement suffit à boule-

  1. Galien rapporte ici le sens des paroles d’Hippocrate (Articul., 8, t. IV, p. 94, éd. de M. Littré ; p. 661 de mon édit.), mais il ne cite pas textuellement ces paroles. En voici la traduction : « Les ligaments se prêtent aux extensions chez les uns, et y résistent chez les autres… On voit, en effet, un bon nombre d’hommes tellement humides, qu’ils se luxent les articulations à volonté et sans douleur, et qu’ils se les réduisent également sans douleur. » — Voy. aussi Aph, VI, 59.