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DES FACULTÉS NATURELLES, II, iii.

après une telle œuvre, pour ne rien omettre, l’a produit au jour, pourvu de facultés sans lesquelles il ne pourrait vivre, et après cela encore les a accrues peu à peu jusqu à leur grandeur convenable, comment pouvait-il avoir le courage de confier les fonctions naturelles à des conduits petits ou grands ou à d’autres hypothèses aussi ridicules ? Je ne puis me l’expliquer.

Cette nature qui conforme les parties et qui les accroît peu à peu, les pénètre absolument et complètement, car elle les nourrit, les conforme et les accroît non pas à l’extérieur seulement, mais dans leur totalité. Un Praxitèle, un Phidias ou quelque autre statuaire se bornent à former la matière extérieure, celle qu’on peut toucher ; quant à la partie profonde, ils la laissent privée d’ornements, brute, non travaillée et ne s’en occupent même pas, incapables qu’ils sont d’y pénétrer, d’y descendre et de toucher toutes les parties de la matière. Tel n’est pas le procédé de la nature. De toute particule d’os, de chair, de graisse, elle fait un os, de la chair, de la graisse et ainsi de chacun des autres organes ; car il n’est aucune partie qui ne soit touchée, finie et ornée par elle. Phidias n’a pu faire de l’ivoire ou de l’or avec de la cire, ni de la cire avec de l’or. Chacune de ces substances conserve son caractère primitif et ne fait que revêtir extérieurement la figure et la forme que lui donne l’artiste pour devenir une statue achevée. Mais la nature ne conserve à aucune substance sa forme première. Autrement toutes les parties de l’animal ne seraient autre chose que du sang qui dans la conception se mêle au sperme ; et en cela elles seraient, comme la cire, matière simple et à figure unique sur laquelle s’exerce l’artiste. Or aucune des parties de l’animal formée de cette substance (c’est-à-dire du sang) ne devient aussi rouge et aussi humide qu’elle. Ainsi, l’os, le cartilage, l’artère, la veine, le nerf, la graisse, la glande, la membrane, la moelle, bien que dénués de sang, ont été formés de sang.

Qui a transformé ce sang, qui l’a coagulé, qui l’a façonné ? C’est ce que je voudrais demander à Érasistrate. Il répondrait assurément que c’est la nature ou le sperme, et dans l’un et l’autre cas il dirait la même chose en employant des expressions différentes. En effet la substance qui était primitivement sperme, lorsqu’elle commence à engendrer et à conformer l’animal, devient une certaine nature. De même que Phidias possédait la puissance de son