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DU COU ET DU RESTE DE L’ÉPINE.

plus vrais, j’ordonne aux personnes qui ne sont pas initiées à la méthode démonstrative de fermer les portes sur leurs oreilles ; car des ânes apprendraient plutôt à jouer de la lyre que ces hommes à comprendre la vérité de ce que j’enseigne ici. Et bien que je sache que très-peu de personnes seront attentives à mes paroles, je n’ai pas hésité, par égard pour ce petit nombre, à faire entendre même à des profanes des paroles mystérieuses. En effet mon livre ne jugera pas, ne discernera pas celui qui ne comprend pas ; il ne fuira pas l’homme indigne de le lire et ne se portera pas de soi-même dans les mains des hommes instruits[1]. Lui aussi, notre Créateur, qui connaît parfaitement [d’avance] l’ingratitude[2] de semblables hommes, ne cesse cependant pas de créer. Le soleil achève le cours des saisons et mûrit les fruits sans s’inquiéter, je pense, ni de Diagoras, ni d’Anaxagoras, ni d’Epicure, ni des autres qui blasphèment contre lui[3] (car

    tour confirmer les leçons adoptées par Lobeck pour Orphée, contrairement à l’opinion de Gesner partagée par Hermann dans son édition des Poëmes orphéiques, p. 447 et 448.

  1. Le manuscrit B et les imprimés donnent un texte tout différent : Οὐ γὰρ διακρινεῖ γε τὸ βιβλίον, οὐδὲ διαγνώσεται τῶν σκαιῶν οὐδεὶς, καὶ εἰ διαδράσεται (etsi percurrerit ! interpr.), ταῖς χερσὶ δὲ ἑαυτὸφέρον ἐνθήσει τῶν πεπαιδευμένων, vulg. Οὐ γὰρ δεῖ κρίνει (δὴ κρινει ?) γε τὸ βιβλίον, οὐδὲ διαγνώσεται τὸν ἀναγνωσόμενον, οὐδὲ τὸν μὲν σκαιὸν διαδρ., ταῖς χερσὶ αὐτὸ (lis. δὲ ἑαυτὸ) ἐνθέσει (sic) τῶν πεπαιδ. B. Si je ne me trompe, l’économie même de la phrase et la suite du raisonnement donnent raison à B. Galien, avec sa modestie habituelle, se compare au Créateur qui crée sans s’occuper s’il y aura des méchants et des bons. Lui aussi, Galien, s’est décidé à écrire son livre, bien qu’il sache que ce livre ne distinguera pas les ignorants des savants ; mais il a certainement l’assurance que l’ouvrage, s’il arrive entre les mains des savants, ne s’en échappera plus, et sera apprécié comme il le mérite.
  2. Ἀχαριστίαν vulg. ; ἀχρηστίαν, inutilité, B. Il est difficile de dire quelle est la vraie leçon.
  3. On sait qu’Épicure niait la Providence, et dans le précédent volume on a pu lire les attaques violentes ou ironiques que Galien ne cesse de faire contre sa doctrine. Diagoras, comme nous l’apprennent Diogène de Laërte (VI, ii, 59), Cicéron (De nat. Deor., I, i, 2 et passim), et plusieurs autres auteurs, se vantait d’être athée. Quant à Anaxagoras, qui reconnaissait un esprit créateur (Diogène de Laërte, II, iii, 1), il y a évidemment ici une faute dans le texte, comme le font remarquer J. Alexandrinus et Hoffmann ('Var. lect. du XIIe livre, § 1186) ; il faut lire sans doute Protagoras, attendu que ce philosophe faisait aussi profession d’athéisme (cf. par ex. Diog. IX, viii, et Cicéron, lib. laud.)