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Page:Gallon - Taterley, trad Berton, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/15

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TATERLEY
707

Ce-jour-là, il était sorti de ses habitudes, venant se mêler, soudainement, bien que pour un bref laps de temps et d’une manière rude, à ces parents qui le connaissaient bien.

Il venait de faire une nouvelle expérience ; même cet homme qui marchait à ses côtés était pour lui comme un étranger. Il ne l’avait pas vu depuis des années et ne le reverrait pas de longtemps probablement.

Dédaigneux, et pris d’une espèce d’indifférence inusitée, peu lui importait que le cousin Hector continuât à marcher et à parler à côté de lui.

Le fait est que le cousin Hector n’était pas pressé de quitter son parent, il tenait une occasion rare : Caleb, le solitaire, se montrait enfin, après une longue retraite et il était opportun de rester en contact avec lui le plus longtemps possible.

— Je voudrais bien vous persuader, dit le cousin Hector, de pardonner la conduite de notre jeune ami. La jeunesse est assurément ingrate. Je ne connais pas toutes les circonstances, mais il me semble…

— Vous m’obligerez en changeant de sujet, dit Caleb d’une voix brève. Si vous me connaissiez mieux, vous sauriez que je n’ai pas l’habitude de changer d’avis quand une fois j’ai pris un parti. J’en ai fini avec ce garçon, que cela vous suffise. Ne me parlez plus de lui.

— Comme il vous plaira, reprit l’autre d’un ton détaché. Mais voulez-vous me permettre de dire que vous jugez vos parents d’une façon un peu sévère ? Caleb lui jeta un regard.

— N’oubliez pas que vous êtes de ces parents, cousin Hector, dit-il avec un vague sourire.

Hector Krudar se mit à rire en haussant les épaules et s’écria :

— Oh ! qu’à cela ne tienne, je ne me mets pas un seul instant sur les rangs parmi vos héritiers. Quelques-uns d’entre eux s’égorgeront et se disputeront la moindre chose. Pour ma part, je trouve que ça n’en vaut pas la peine. Si les dieux me font la grâce d’un avantage quelconque, j’en serai très heureux, sinon je ne me mettrai pas martel en tête et ma vie continuera paisible comme par le passé.

Il regardait le vieillard du coin de l’œil en parlant, pour noter l’effet de ses paroles.

Caleb hocha la tête plusieurs fois et se mordit les lèvres.

— Vous êtes tout à fait dans la note, dit-il. Donc, d’une manière ou de l’autre, cette affaire ne vous intéresse pas beaucoup.

— Hum ! fit Hector lentement, je ne m’avance pas jusque-là, l’argent n’est pas à mépriser.

— Et peut aider à faire le bien, n’est-ce pas ? demanda Caleb.

— Charité bien ordonnée commence par soi-même, rectifia Hector.

— Et je suppose que vous dépenseriez l’argent que vous auriez en dissipation et en extravagances ? lui demanda Caleb.

Hector Krudar s’attendait évidemment à cette question, il répondit :

— Je ne le crois pas !

Caleb le considérait avec un intérêt croissant.

À la porte de sa maison de Bloomsbury, il hésita pendant un moment pendant que le cousin Hector lui tendait la main en souriant.

— Vous désirez peut-être entrer ? dit-il d’un ton rude. Je n’ai rien à vous offrir et je ne reçois presque jamais personne. Jamais en somme. Vous pouvez entrer, si vous voulez.

Il se tourna vers la porte et mit la clef dans la serrure. Le cousin Hector Krudar s’inclina pour exprimer la gratitude que lui inspira l’immense honneur qu’on lui faisait et suivit doucement Caleb dans l’escalier sombre.