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JE SAIS TOUT

pas. Sans doute, Je vieux crétin les a pris en sortant, mais il n’a plus su qu’en faire. Qu’importe, tout est pour le mieux.


CHAPITRE XV

à propos de quelque chose de plus grand que les richesses et d’un adieu.


Caleb Fry ne souhaitait pas une autre paix que elle qu’il trouverait sous les yeux d’Ella, Toutes ses pensées, toutes ses espérances aboutissaient là.

Il était brisé, malade, usé. Les nuits d’automne étaient froides et humides. Mais il n’y pensait pas. Il marchait toute la longue journée et se laissait tomber, quand venait la nuit, à l’abri d’un mur ou d’une haie. Alors, il lui venait des rêves étranges. Il était redevenu un écolier et Taterley le suivait humblement, et sa jeune sœur dont il était fier arrivait et, d’un air timide, parmi les garçons, elle venait lui dire bonjour. Il la tenait à présent, pressant son visage contre le sien, lui criant de ne pas le laisser seul, la suppliant de revenir.

Il se réveilla étourdi et tremblant sous les étoiles, avec des larmes sur ses joues, en prononçant le nom de sa sœur.

Il se remit en route vivement, effrayé de sa faiblesse. Il craignit de ne pas arriver au terme de son voyage, d’être pris et ramené à pied le long de la route qu’il avait parcourue si péniblement. Il se dissimulait aux passants et prenait des chemins de traverse pour éviter les routes fréquentées, ce qui le retardait.

Un après-midi, il sentit tout tourner autour de lui et la terre lui manqua. Quand il reprit ses sens, il était assis sur un fauteuil, dans une cuisine de ferme. Un gros paysan le regardait d’un air ahuri, en se grattant le front. Une forte commère rubiconde lui tenait un verre contre les lèvres. Il les écarta, se leva en tremblant et voulut aller vers la porte. L’homme le saisit doucement par le bras et le reporta presque malgré lui, sur le fauteuil.

— Asseyez-vous là, Monsieur, bien tranquille, dit l’homme. Personne ne vous fera de mal, restez tranquille.

— Laissez-moi, dit Caleb. J’ai un long trajet à faire, il faut que je parte…

Il essaya d’échapper aux mains qui le retenaient. La femme s’approcha.

— Non, non, dit-elle en lui souriant d’un air rassurant. Restez un peu, vous ne pouvez pas vous en aller comme ça.

Il fit semblant de céder, regardant autour de lui avec angoisse. La brave femme lui faisait des signes de tête encourageants et lui souriait pour le rassurer. Enfin, il tomba dans un sommeil profond.

Quand il se réveilla, la chambre était obscure, on ne voyait que la flamme dansante d’une cheminée à l’ancienne mode. Tout dormait dans la maison. Caleb se leva sans faire de bruit et s’en alla vers la porte. Le ciel était rempli d’étoiles, une brise légère glissait à travers les arbres et sur les prairies. Il referma la porte derrière lui et se mit à courir. Il ne s’arrêta qu’à un mille de la ferme.

Il continua ainsi toute la nuit. Tantôt chantant de vieilles chansons oubliées, tantôt s’arrêtant et croyant entendre dans son imagination les pas de ceux qui le poursuivaient. De temps en temps, il se mettait à courir, croyant qu’il la voyait. Il était si affaibli que son voyage lui prit quatre jours et qu’il ne retrouva l’endroit dont il se souvenait que le matin du cinquième jour.

Tremblant, poussiéreux, amaigri, traînant ses pauvres jambes fatiguées le long des rues du pauvre village, il s’arrêta enfin à la grille du cottage.

C’était une belle matinée ensoleillée, les montagnes, les bois étaient bleus, tout le paysage s’adoucissait sous la douce clarté du matin.

Elle était dans le petit jardin et chantait doucement parmi les roses. Ses joues avaient déjà repris leurs couleurs.