Page:Gandhi - La Jeune Inde.djvu/19

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Ce mot d’« expérimentation », qui revient constamment dans ce livre[1], doit être mis en lumière. Il n’a été saisi, ni par ses partisans, ni par ses adversaires, parce que des deux côtés il s’adressait à des hommes passionnés. Et moi-même, je ne l’ai pas assez souligné.

Gandhi, dont l’horizon de pensée s’étend bien au-delà de son pays, — quoique l’Inde soit son principal amour, — Gandhi qui, par son éducation européenne, par les vingt-trois ans qu’il a passés hors de l’Inde, s’est acquis une vision complète du monde, à l’heure actuelle, conçoit, comme beaucoup d’entre nous, de graves appréhensions sur l’avenir de l’humanité. Elle lui semble traverser une crise périlleuse, où rien ne nous assure que le plus précieux d’elle-même ne périra pas. Cette pensée ne lui laisse pas de repos ; et s’il s’adresse à l’Inde, il songe à tous les hommes, que l’Inde doit sauver. Son amour même pour elle, sa fierté indienne, assigne à sa patrie ce devoir redoutable[2].

Or, de moyens de salut, il ne voit plus qu’un seul : la Non-Violence. Ce n’est pourtant pas le seul qu’il ait jamais conçu. Sans doute, pour son compte propre, il n’en emploiera jamais d’autre[2]. Mais, pour l’humanité actuelle, encore si arriérée, il ne condamne pas la violence, en soi ; on peut dire que, naguère, il a même accepté, dans une certaine mesure, d’y coopérer, puisqu’il a recruté des troupes pour l’Angleterre ; il en a,

  1. « … Pareil à l’homme de science, je fais des expériences sur certaines vérités éternelles de la vie… » (p. 62. 12 mai 1920) — « … Depuis 1894, j’ai fait des expériences sur moi et sur mes amis… » (p. 63, ibid). — « La région de l’Inde, où l’expérience (Désobéissance Civile) a lieu… » (10 novembre 1921) — « Est-ce que je ne tente pas une expérience vaine ?… » (2 mars 1922)… etc.
  2. a et b P. 109.