Page:Garin Le Loherain.djvu/18

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atteignit, non sans fatigue, les rives de l’Yonne ; il n’est plus qu’à quatre lieues de Sens, et déjà voyait la fumée des feux que les gloutons avaient allumés. Le Roi, les montrant à ses François : « Dieu de gloire, » dit-il, « qui vis en trinité et qui nous donnes le soleil et le jour, accorde-moi la force dont j’ai besoin pour réduire à mort tous ces ennemis de Sainte Chrétienté ! »

Le jour avance, vêpres arrivent et le soleil disparaît. Les barons achèvent leur souper et le Roi répartit les sentinelles : il commande au riche baronnage de tenir les chevaux prêts pour minuit. Après deux heures de sommeil, les hauberts sont endossés ; on part sans donner du cor ou de l’olifant, pour ne pas avertir ces maudits enfants de chien. Au point du jour, les trente mille compagnons de Charles découvraient les murs de Sens.

Martel alors entouré de ses gens : « Nous allons,» dit-il, « attaquer les mécréants : au nom du Dieu né en Bethléem, combattez et frappez à mon exemple. Ne vous arrêtez pas aux chevaux auferans, aux belles armes, à l’or ou à l’argent ; éventrez-les tous, grands et petits. Et si Dieu nous accorde victoire, on partagera l’échec entre vous ; je n’en réclamerai pas un denier monnayé. »

« — Grands mercis ! » répondent les barons. Et chacun alors de se bien poser sur les rapides destriers. Ils chevauchent avec précaution, pour ne pas réveiller les Païens. Bientôt Allemands et Bavarois pénètrent dans le camp, entrent dans les tentes, tranchent les cordes, abattent les pavillons, surprennent les mécréants et les empêchent de fuir. Heureux ceux qui purent regagner leurs auferans ; plus de dix mille passent par le glaive des Chrétiens, et restent morts dans la campagne. Les autres s’enfuient du côté de Troyes, laissant aux mains des nôtres un butin qu'on ne pourrait estimer. Charles Martel, après avoir fait