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DU CANADA.

amèrement. On voyait quelquefois deux époux aller, après six mois, verser des larmes sur le tombeau d’un enfant, et la mère y faire couler du lait de ses mamelles ».

Dès que les enfans pouvaient marcher, on les affranchissait de toute gène ; on les abandonnait à leur jeune et capricieuse volonté[1]. Ils contractaient ainsi dès l’âge le plus tendre cet amour de la liberté et de l’indépendance que la civilisation n’a jamais pu dompter. Si quelquefois les missionnaires en réunissaient quelques uns pour les enseigner, tout à coup ils les voyaient s’enfuir, bondissant de joie en brisant un joug qu’ils trouvaient insupportable. Le P. Daniel avait établi pour eux une classe dans le collége de Québec, lors de sa fondation ; il crut un moment avoir triomphé des répugnances des Hurons chrétiens à y envoyer leurs enfans ; mais cette tentative n’eut aucun succès. L’air des forêts fut toujours fatal à celui de l’école. Dès qu’un jeune Sauvage est capable de manier l’arc, il s’accoutume à l’usage des armes, et se forme en grandissant sur l’exemple de ses pères, dont l’histoire des hauts faits déjà fait battre son jeune cœur. La passion des combats étouffe en lui souvent celle de l’amour ; il ne rêve qu’à se distinguer, afin

  1. Relation des Jésuites, (1633).