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Page:Garneau - Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours, tome IV, 1852.djvu/181

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HISTOIRE DU CANADA.

Ces destitutions firent aux yeux du peuple des martyrs politiques, mais n’empêchèrent point la grande majorité des miliciens de se conformer à la loi en se rendant aux exercices. Dalhousie dont la conduite aurait pu être blâmée en Angleterre si la désobéissance eût été générale, s’empressa d’en exprimer toute sa satisfaction, et de déclarer qu’il espérait que malgré les artifices des gens mal intentionnés pour répandre les doutes et les soupçons dans l’esprit du peuple, les officiers et les miliciens continueraient à montrer le zèle, l’obéissance et la subordination qui avaient distingué jusque là la milice canadienne. Il est inutile de dire qu’au milieu de ces dissensions beaucoup d’officiers furent destitués injustement ou pour des motifs que l’esprit de parti avait fort exagérés.

Cependant la chambre avait été dissoute, quoique les élections faites dans des circonstances comme celles où l’on se trouvait, eussent toujours tourné contre le gouvernement et augmenté le parti populaire. La polémique des journaux ne cessait pas d’être d’une virulence extrême. Les discours prononcés dans les assemblées publiques étaient souvent empreints des passions les plus haineuses, et les journaux de l’administration qui auraient dû conserver au moins par politique l’apparence de la modération, employaient le langage le plus insultant pour la population française, faute dont leurs adversaires se prévalaient aussitôt pour prouver l’antipathie de l’administration contre l’ancienne population. Des Canadiens fixés à Plattsburgh, état de la Nouvelle-York, établirent une feuille, l’Ami du Peuple, pour soutenir les droits de leurs compatriotes. « Canadiens, disaient-ils, on travaille à vous forger des chaînes ; il semble que l’on veuille vous anéantir ou vous gouverner avec un sceptre de fer. Vos libertés sont envahies, vos droits violés, vos privilèges abolis, vos réclamations méprisées, votre existence politique menacée d’une ruine totale… Voici que le temps est arrivé de déployer vos ressources, de montrer votre énergie, et de convaincre la mère patrie et la horde qui depuis un demi siècle vous tyrannise dans vos propres foyers, que si vous être sujets, vous n’êtes pas esclaves. » Le Spectateur de Montréal en accueillant ces paroles s’écriait : « La patrie trouve partout des défenseurs, et nous ne devons point encore désespérer de son salut. »