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HISTOIRE DU CANADA.

çait à la tête du gouvernement, et qui le plus souvent était complètement étranger au pays. Aussi dès que l’acte pour accroître les pouvoirs de l’exécutif fut passé, l’ordre fut-il envoyé à tous les juges de paix, à tous les capitaines de milice, d’arrêter ceux qui chercheraient, par leurs intrigues ou par leurs discours, à troubler la tranquillité publique. L’on semblait croire que les réfractaires à la loi des chemins dont plusieurs furent punis pour turbulence ou sédition, avaient des chefs dont les vues s’étendaient plus loin que cette loi, et que ces chefs correspondaient ou se concertaient avec des émissaires étrangers dont le pays aurait été rempli.

Le procureur-général Sewell se transporta à Montréal à la fin de l’été de 96 pour voir ce qui s’y passait. Il fit rapport que l’Île et le district étaient très désaffectionnés ; que la loi des chemins avait augmenté le mécontentement jusqu’à soulever le peuple contre l’exécution des ordres des tribunaux ; que le mécontentement était excité par des émissaires étrangers ; que l’ambassadeur de France aux États-Unis, M. Adet, avait adressé un pamphlet aux Canadiens dans lequel il annonçait que la république française ayant battu l’Espagne, l’Autriche et l’Italie, allait attaquer l’Angleterre à son tour et commencer par ses colonies, et les invitait à se rallier autour de son drapeau, qu’enfin son gouvernement avait intention de lever des troupes en Canada.[1]

Un américain, enthousiaste insensé, nommé McLane, ajoutant foi aux soupçons que l’on semait ainsi contre la population, qui ne songeait plus alors certainement à se soustraire à la domination britannique, se laissa attirer à Québec par un charpentier de navire, nommé Black, qui avait su acquérir assez de popularité pour se faire élire l’année précédente à la chambre d’assemblée. Lorsque McLane qui se faisait passer pour un général français agissant d’après les ordres de M. Adet fut en son pouvoir, Black feignit de sortir pour quelque affaire et alla avertir l’autorité qui avait été prévenue d’avance. McLane fut saisi et livré aux tribunaux sous prévention de haute-trahison. Le choix des jurés, les témoignages, le jugement et le châtiment, tout fut extraordinaire. Il fut condamné à mort et exécuté avec un grand appareil militaire sur les glacis des fortifications dans un endroit élevé et visible des campagnes environnantes. Le corps après quelque

  1. Procès-verbal du Conseil exécutif.