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HISTOIRE DU CANADA

des accusés qui remplissaient les prisons. Lui qui détestait les Canadiens, il ne serait pas arrêté cette fois par Lord Gosford. Tous les Canadiens notables de Montréal et des campagnes, coupables ou non, avaient été arrêtés, un grand nombre sous accusation de haute trahison. À Québec, aux Trois Rivières où tout était parfaitement tranquille, les arrestations ne cessaient point non plus. Pendant ce temps là les cours martiales se hâtaient d’achever leur tâche, en procédant avec toute la rapidité possible. Elles condamnèrent quatre-vingt-neuf accusés à mort et quarante-sept à la déportation dans les îles de l’Océanie, et confisquèrent tous leurs biens. Le Herald était radieux. « Nous avons vu, disait-il, le 19 novembre, la nouvelle potence faite par M. Bronsdon, et nous croyons qu’elle va être élevée aujourd’hui au devant de la nouvelle prison, de sorte que les rebelles pourront jouir d’une perspective qui ne manquera pas sans doute d’avoir l’effet de produire un sommeil profond et des songes agréables. Six ou sept pourront s’y trouver à l’aise ; mais on peut y en mettre davantage dans un cas pressé. »

Treize condamnés périrent sur l’échafaud aux applaudissemens de leurs ennemis accourus pour prendre part à un spectacle qui passait à leurs yeux pour un triomphe. Tous subirent leur sort avec fermeté. On ne peut lire sans être ému les dernières lettres de l’un d’eux, M. Chevalier de Lorimier, à son épouse, à ses parens, à ses amis, dans lesquelles il proteste de la sincérité de ses convictions ; et il signa avant de marcher au supplice une déclaration de ses principes, qui témoigne de sa bonne foi et qui prouve le danger qu’il y a de répandre des doctrines qui peuvent entraîner des conséquences aussi désastreuses.

Lorsque l’échafaud eut satisfait dans le Bas-Canada comme dans le Haut, où se passait une partie des scènes du Bas, la vengeance du vainqueur, on tourna les yeux vers l’Angleterre pour voir comment elle allait prendre les derniers événemens, et recevoir Lord Durham et ses suggestions pour la pacification du pays. Déjà le duc de Wellington avait jugé du dernier soulèvement et blâmé, par ce jugement là même, la cruauté du pouvoir, dans les débats sur l’adresse en réponse au discours que la reine avait prononcé en ouvrant le parlement au commencement de 1839. « L’insurrection du Canada n’a été, dit-il, qu’une insurrection fri-