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HISTOIRE DU CANADA.

treinte qu’elle fut ouverte devant elle pour se faire connaître et se faire apprécier audelà des mers.

Cette constitution cependant promettait beaucoup plus qu’elle ne devait tenir. L’un de ses vices essentiels, c’était de laisser deux des trois branches de la législature à la disposition du bureau colonial, qui allait par ce moyen se trouver armé de deux instrumens qu’il ferait mouvoir à sa volonté tout en paraissant n’en faire mouvoir qu’un seul. Ce défaut capital qui n’était encore aperçu que du petit nombre d’hommes expérimentés dans les affaires publiques, leur fit présager la chute du nouveau système dans un avenir plus ou moins éloigné. La masse du peuple toujours plus lente à soupçonner les motifs, les arrière-pensées, les injustices, crut d’après les paroles de Pitt, que le Bas-Canada serait à eux, que la législation, en tant qu’elle ne serait pas incompatible avec l’intérêt et la suprématie de l’Angleterre, serait fondée sur ses sentimens et sur ses intérêts, qu’elle serait en un mot l’expression de la majorité des habitans. Vaine illusion ! Outre l’intérêt canadien, outre l’intérêt métropolitain, il y avait, déjà ce que lord Stanley a depuis qualifié « l’intérêt britannique » ou l’intérêt de la portion anglaise de la population, qui ne comptait alors que quelques centaines d’âmes dispersées dans les villes et dans les arrondissemens situés sur les limites orientales du Canada, le long des États de New Hamshire, du Massachusetts et du Maine. La plupart étaient d’origine allemande ou hollandaise.[1] Ils étaient venus s’établir en Canada pendant la révolution américaine qu’ils fuyaient. La métropole en se réservant la nomination du conseil législatif, s’était conservé le moyen de donner à cette petite population un pouvoir égal à celui du reste des habitans et ainsi de nullifier la majorité ou en d’autres termes de gouverner les uns par les autres.

Dans la nouvelle constitution, le roi ou plutôt le bureau colonial, car le bureau colonial seul en Angleterre connaissait ce qui se passait en Canada, formait une branche ; le conseil législatif la seconde, mais comme il était à la nomination de la couronne, il devait être nécessairement la créature de l’exécutif, composé

  1. A short view of the present State of the Eastern townships &c. by the Honble. and Revd. Chs. Stewart A. M. minister of St. Armand Lower Canada and Champlain to the Lord Bishop of Quebec, 1815.