Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/247

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deux compagnes, celle que servait François Poiré, répondre à mon matelot :

— I love you !

— Tiens, s’écria celui-ci, ce jargon-là ne m’a pas l’air de ressembler au malgache… il me semble avoir déjà entendu quelque chose de pareil… Comprenez-vous lieutenant ?

— Oui, c’est de l’anglais !

— De l’anglais ! s’écrièrent mes deux hommes avec une surprise mêlée d’un peu d’effroi.

— Tiens ! mais alors, lieutenant, ajouta Bernard, nous ne sommes donc pas les premiers Européens qui aient visité la capitale de Bombetoc ? Ces intrigants d’English qui se glissent partout ont donc déjà pénétré jusqu’ici ? …

— Dame, cela me paraît incontestable… Ce que je crains à présent, c’est que cette visite ne soit récente et qu’elle n’ait été faite par un navire de guerre… En ce cas, Dieu sait si le Mathurin reverra jamais l’île de France !… Mais qu’as-tu donc à réfléchir ainsi, François ? Tu sembles tout triste, tout préoccupé !… Que diable ! un marin ne doit pas se laisser abattre pour si peu… Notre vie est toujours suspendue au bout d’un fil, et cette idée doit nous rendre philosophes.

— Oh ! vous vous trompez, mon lieutenant… je ne pense pas à la possibilité de tomber entre les mains de l’ennemi… Je songe à soutenir l’honneur de notre pays…

— Comment cela, l’honneur de notre pays ?

— Eh ! oui, donc ! songe que nous ne devons pas abandonner Bombetoc sans laisser un souvenir français qui fasse concurrence aux mots d’anglais que viennent de prononcer ces jeunes filles !…