pyramide mobile tranchant par sa blancheur sur le brouillard épais qui, dans ces parages, descend la nuit des hautes montagnes de la côte et enveloppe encore le matin les abords du rivage.
— Ce navire peut être aussi bien un vaisseau de haut bord qu’un bâtiment de la compagnie des Indes, nous dit Surcouf ; que faire ? Ma foi, si c’est un navire de guerre, eh bien ! tant pis, nous rirons. Si c’est un navire marchand nous le capturerons.
La brise de terre favorisait la voile en vue, tandis que la Confiance, au contraire, était retenue par le calme ; néanmoins, nous orientons grand largue sur elle ; elle imite notre manœuvre. Nous cinglons bâbord amure, elle cingle tribord amure ; toutes nos suppositions vont bientôt cesser, car les deux navires voguent à pleines voiles l’un vers l’autre.
Deux lieues nous séparent à peine, et quoiqu’il soit fort difficile d’apprécier la force d’un vaisseau sous l’aspect raccourci qui nous présente l’inconnu, nous commençons déjà nos observations.
Nous acquérons d’abord la certitude que ce navire possède une batterie couverte ; ensuite, qu’il est supérieurement gréé et que ses voiles sont taillées à l’anglaise. Voilà sa nationalité connue ; sur ce point le doute n’est plus possible : oui, mais quelles sont au juste sa force et sa nature ? C’est un problème que personne ne pourrait résoudre ; le temps seul est à même de l’expliquer ; l’attente ne sera pas longue. Seulement, la position de la Confiance se complique, car la brise, d’abord molle, a fraîchi au point de nous faire filer trois nœuds à l’heure. Cependant, afin de sortir plus tôt de notre doute et de connaître notre ennemi, nous nous débarrassons de nos menues voiles, et, lofant de deux quarts, nous orientons au plus près. Le navire en vue s’empresse encore cette fois de répéter notre manœuvre.