Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/332

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Toutefois, comme de part et d’autre une divergence de deux quarts dans la route est insuffisante pour nous permettre de nous apprécier, la Confiance, après avoir couru pendant quelque temps sous cette allure, laisse arriver de trois quarts sur bâbord. Le mystérieux vaisseau se hâte de laisser arriver aussi, de manière à nous couper sur l’avant, et nous nous retrouvons de nouveau dans une position oblique qui nous laisse toutes nos incertitudes, car de nombreux ballots et une grande quantité de futailles masquent sa batterie d’un bout à l’autre.

Surcouf, impatienté, arpente le pont d’un pas nerveux et saccadé, en mordant à chaque pas, avec fureur, son cigare. L’équipage est irrité : malheur à l’inconnu s’il est de notre force et si nous en venons aux mains avec lui !

La vélocité la plus grande que pouvait déployer la Confiance, comme au reste cela a lieu pour tous les navires fins voiliers, était celle qu’il obtenait par l’allure du plus près : seulement, comme une pareille manœuvre eût été dangereuse au moment d’un combat, nous revenons du lof et nous halons bouline, afin de conserver, quelle que soit l’issue de cette aventure, l’avantage du vent et la possibilité, en cas d’une nécessité absolue, d’opérer notre retraite.

Enfin nous commençons à gagner du vent sur l’inconnu ! Donc, nous marchons mieux que lui. Chacun se réjouit à cette découverte.

Quant à lui, fidèle à sa tactique, il n’avait pas manqué encore cette fois d’imiter notre manœuvre.

— Parbleu ! dit Surcouf, nous saurons bien tout à l’heure si cet empressement à nous rejoindre est feint ou réel. Je suis un vieux renard, par l’expérience, à qui l’on n’en fait pas accroire facilement. Je connais toutes les ruses. En combien d’occasions n’ai-je pas vu des vaisseaux marchands,