Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils ignoraient donc, ces gens-là, de quelle impuissance sont « ceux qui ne savent pas vouloir » ! Il trouvait à ces conseils reçus une dérision misérable et de la cruauté ; et il retournait à sa peine sans rien demander à personne : ni aide, ni blâme, ni sympathie, ni commisération, n’ayant qu’une foi médiocre dans l’action du Temps, médecin pitoyable, qui, pensait-il, soulage sans guérir et tempère le mal sans supprimer la plaie. On a beau jeter des pelletées d’oubli dans la fosse où l’on a enseveli des morts chers : est-ce qu’on a jamais fini de combler, est-ce qu’on a jamais fini d’oublier ? Voilà ce que s’était dit longtemps Charles Lévé de Gastynes, en se livrant, comme un ivrogne se livre aux vins, aux terribles jeux chinois d’une imagination lasse et farouche à la fois, se refusant à admettre que la Vie elle-même corrige la Vie, et que notre machine agissante et pensante a des ressources infinies et providentielles.

À cette heure déjà, le chien blessé à mort revenait avec moins de fréquence et moins de réalisme visiter ses rêves ; le tableau se décolorait, la souffrance du souvenir était moins aiguë et moins brutale. Sa pensée, jadis toute entière attachée au passé, commençait à s’en décoller, comme on décolle un panse-