Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/71

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famille, toute à la villégiature, faisait un veuf transitoire ou un orphelin accidentel.

N’empêche que loger dans le Lit-à-Tous constituait une mauvaise note. Le cas de quiconque y avait passé la nuit était examiné et jugé par l’aréopage : si l’on excusait Julien Rousseau, que sa poitrine de papier mâché obligeait quelquefois, quand il s’était attardé par des temps froids, à recourir au Lit-à-Tous, si l’on excusait aussi certains reporters qu’un incendie ou une arrestation sensationnelle, avaient retenus jusqu’aux petites heures, par contre on se gaussait des autres occupants d’occasion : Mme  Fampin, un des piliers de la maison, y avait couché trois fois, parce que, assurait-elle, son mari étant absent, elle avait eu peur de rentrer chez elle (les mauvaises langues disaient que, si elle avait eu peur de rentrer chez elle, ce n’est pas parce que son mari n’y était pas, mais précisément parce qu’il y était) ; un député de province y avait fait trois nuitées ; le nègre, une ; un journaliste, en puissance de maîtresse acariâtre, y reposait, depuis quelque temps, si souventes fois, qu’Alembert Picquet parlait couramment de lui proposer la pension.

Odon Flagothier jouissait dans ce petit monde de la Boule Plate d’une popularité de bon aloi ; les habitués avaient pour lui une sympathie cordiale et le