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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/111

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LADY LUDLOW.

un homme et non pas un petit maître, un homme qui honorera l’humanité par ses vertus, quel que soit l’état qu’il lui ait plu de choisir. » Ces paroles furent très-goûtées du jeune Pierre, qui était ravi de se voir considéré comme amoureux, fût-ce même comme amoureux transi, et dont les mots sonores de vertu et d’humanité flattaient l’oreille comme appartenant au vocabulaire d’un patriote. Quant à l’impression qu’elles avaient pu produire sur la dame à qui elles étaient adressées, le pauvre Clément n’en devina rien pour le quart d’heure ; mais quand il revint le soir, il entendit fredonner derrière Mme Babette, qui allumait sa lampe, cet air des Noces de Figaro qu’il avait chanté les deux jours précédents, et qu’il reprit d’une voix forte comme il traversait la cour.

« Voilà notre chanteur, s’écria Mme Babette ; tiens, c’est le Normand ! il chante aussi bien qu’à l’Opéra ! »

Pierre fut frappé de cette remarque, et résolut de redoubler de surveillance ; il croyait toujours que la bourse de la concierge était le point de mire du paysan ; mais le lendemain, lorsqu’à la grande surprise de dame Babette, Mlle Canne exprima le désir d’aller acheter différentes choses, le petit madré comprit qu’il existait une relation quelconque entre les chants du soir et ce projet de sortie, vraiment inexplicable. Il n’est pas besoin de vous dire qu’il suivit la pauvre fille et vit de loin qu’un étranger, dont il ne connaissait pas les vêtements, parlait à Mlle Canne, lui offrait son bras et disparaissait avec elle au détour de la rue. Pierre revint tout en émoi raconter à sa mère ce qu’il avait vu. À peine terminait-il sa narration que Virginie rentrait le visage radieux et couvert d’une rougeur qu’on ne lui avait pas vue depuis la mort de son père.