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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/113

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LADY LUDLOW.

teinte rosée qui colorait les joues de Mlle Canne, habituellement si pâle ; il lui sembla qu’elle avait dépouillé son linceul et qu’elle revenait à la vie. Or, s’il avait respecté sa douleur jusqu’à ne pas oser lui adresser la parole, maintenant qu’il la voyait renaître à la joie, le pauvre amoureux sentait son cœur se dilater ; et l’espérance grandit tout à coup dans son âme. Le temps, même au fond de cette loge indigne, commençait la guérison de l’affligée ; pourquoi ne pas l’aider humblement dans cette œuvre consolatrice ? Le lendemain il revint à l’hôtel sous un prétexte quelconque, et fit à la loge de sa tante, bien plus qu’à Mme Babette elle-même, présent d’un bouquet de roses attaché avec un ruban tricolore. Virginie travaillait près de la fenêtre ; ses yeux brillèrent à la vue des fleurs ; elle pria la concierge de les lui laisser mettre dans un vase ; Morin lui vit prendre les roses avec plaisir, dénouer le ruban, qu’elle jeta d’un air de dégoût ; et il trouva dans cette insulte à ses convictions les plus chères, une raison d’admirer celle qui en était l’auteur.

Comme il sortait de chez sa tante, le petit Pierre l’arrêta, mit un doigt sur ses lèvres pour lui recommander le silence, et après lui avoir adressé un clignement d’œil significatif, l’entraîna, en marchant sur la pointe du pied, jusqu’à l’autre bout de la rue. Quand il fut bien sûr que les habitants de l’hôtel ne pouvaient ni le voir, ni l’entendre, l’enfant se retourna vers son cousin et lui dit d’un air mystérieux

« Elle sort à pied.

— Eh bien ? répondit Jean, à demi curieux, à demi fâché d’avoir été troublé dans sa rêverie.

— Mais ce n’est pas bien du tout, c’est très-mal, répliqua le petit Pierre.

— Est-ce que dans le quartier on la soupçonne ? car