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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/114

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AUTOUR DU SOFA.

vois-tu, Pierrot, j’ai mon idée ; c’est une aristocrate, et si les gens…

— Non ; mais elle sort tous les jours, c’est-à-dire depuis hier ; je l’ai suivie ; elle rencontre un jeune homme, un de ses amis, car elle lui parle de tout son cœur, et lui aussi. Maman ne peut pas deviner qui cela peut être.

— Est-ce que ma tante l’a vu ?

— Ah ! bien oui ! c’est tout au plus si je peux entrevoir ses épaules, un dos que je crois reconnaître et auquel je ne peux pas mettre un nom. Quand ils se séparent, on dirait des moineaux qui s’envolent. Les voilà bien en train de causer ; leurs deux têtes chuchotent l’une contre l’autre ; bon, que je dis, je vais les surprendre, mais bast ! le monsieur disparaît, et Mlle Canne est auprès de moi, que je n’y ai vu que du feu.

— Elle n’a pas vu que tu la suivais ? » demanda Morin d’une voix si altérée que son cousin Pierre leva les yeux, et resta frappé de sa pâleur et de ses traits contractés. Néanmoins, faisant un effort sur lui-même, le pauvre Jean tâcha de sourire, remercia le petit Pierre de ses informations et lui donna cinq francs pour qu’il continuât d’épier Mlle Canne.

Le gamin, enchanté de cette aubaine, revenait d’un pas rapide en s’amusant à jeter en l’air son gros écu, lorsqu’il fut heurté par un gaillard qui saisit la pièce au vol et s’en fut en le raillant. Personne ne passait dans la rue, notre gamin n’était pas assez fort pour se faire rendre l’écu, et rentra en pleurant dans la loge de sa mère. Virginie était seule, elle fut touchée des larmes du petit garçon, et lui demanda ce qu’il avait.

« On me l’a volée, répondit-il en sanglotant.

— Et que vous a-t-on volé ? reprit la jeune fille.

— Ma pièce de cinq francs, » répliqua le petit Pierre d’une voix tremblante ; il avait peur que Mlle Canne