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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/115

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LADY LUDLOW.

ne lui demandât par quel moyen il s’était procuré une somme aussi considérable. Mais elle était loin d’y penser ; elle alla dans sa chambre, d’où elle rapporta une petite bague ornée de rubis. « Prenez cet anneau, dit-elle à Pierre, et portez-le chez un bijoutier ; ce n’est pas d’une grande valeur ; néanmoins cela vaut bien cinq francs. »

Le gamin refusa d’abord ; un vague sentiment d’honneur flottait dans son esprit ; Virginie insista : « Vous me ferez plaisir, poursuivit-elle ; si on vous en donne plus de cinq francs, vous me rapporterez la différence ; c’est un service que vous me rendrez. »

Pierre ne demandait pas mieux que d’être convaincu ; après tout, rien ne le forçait d’épier Mlle Canne ; il pouvait accepter ses offres et voir ensuite ce qu’il aurait à faire ; elle ne lui imposait pas de conditions, il restait libre à son égard, Bref, il prit l’anneau, garda cinq francs et en rapporta dix à la jeune fille, tant il avait déployé d’habileté dans la vente qu’il avait faite. C’est alors que, suivant ce qu’il s’était dit à lui-même, il réfléchit à la conduite qu’il devait tenir. Il n’avait rien promis à Mlle Canne, mais il sentait que son dévouement était acquis à la jeune fille. Par malheur, il s’en rapportait à lui du soin de juger quel était le moyen le plus efficace de la servir ; et l’attachement que lui avait inspiré sa nouvelle amie, rendait son zèle beaucoup moins désintéressé qu’il ne se le figurait. Combien il serait agréable, pensait-il, d’avoir pour parente une personne aussi généreuse ! Comme il supporterait facilement toutes les contrariétés qui pourraient lui advenir, s’il avait auprès de lui une pareille consolatrice ! Quel bonheur de s’en faire aimer, de la servir, de la protéger ! Et tout d’abord, cette protection qu’il serait si fier et si heureux de lui donner, même sans qu’elle le lui demandât, ne lui imposait-elle