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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/118

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AUTOUR DU SOFA.

soupçonna que de nouvelles relations s’étaient établies entre les deux jeunes gens. Quant à deviner par quel moyen ils communiquaient ensemble, le fils de la concierge ne pouvait y parvenir, en dépit de ses efforts. Virginie sortait tous les jours pendant quelques minutes ; elle flânait dans le quartier et s’arrêtait invariablement à la boutique d’une échoppe où étaient des bouquets de fleurs diverses ; mais elle examinait aussi les bonnets et les fichus qui étaient exposés à la montre des boutiques borgnes qui se trouvaient sur son passage, et l’enfant ne voyait rien d’extraordinaire à ce qu’elle s’arrêtât devant les fleurs, puisqu’elle regardait l’étalage de tous les magasins.

Morin fils venait voir sa tante à peu près tous les jours, sans que Virginie parût se douter que c’était pour elle qu’il visitait la portière. Néanmoins elle était plus joyeuse, se portait mieux qu’autrefois, et cherchant par tous les moyens possibles à témoigner sa gratitude à Mme Babette, elle s’efforçait de répondre aux politesses de Morin, et le faisait avec cette grâce qui donnait tant de charme à ses moindres paroles. Tous ceux qui l’ont connue parlent encore de ses manières séduisantes, de sa douceur, des mille attentions qu’elle avait pour les autres, bien qu’elle possédât une force de volonté peu commune, et que ses principes, quelquefois même ses actes, fussent de nature à indiquer un caractère résolu. Ses traits, comme je l’ai dit plus haut, n’avaient rien de remarquable, et cependant tous ceux qui l’ont approchée semblent avoir subi l’influence qu’elle exerçait autour d’elle.

M. Morin en était arrivé, pendant ces derniers jours, à tout sacrifier pour obtenir Mlle Canne. Il la dévorait du regard toutes les fois qu’elle ne pouvait pas le voir, me disait le cousin Pierre, et baissait les yeux bien vite s’il