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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/169

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LADY LUDLOW.

doit me faire une visite avant la fin de la semaine. Quand vous aurez assez de force pour travailler de nouveau, je chercherai avec vous le moyen d’empêcher les enfants du village de dire des paroles grossières et de vous causer le moindre tourment.

— Jamais Votre Seigneurie ne me comprendra, s’écria-t-il avec impatience ; que me fait le tourment, à moi ? c’est le mal d’autrui qui m’accable. Je me porte à merveille ; je puis me mettre à l’œuvre aujourd’hui même ; je ferais tout au monde pour n’avoir plus à me reprocher cette vie stérile qui me tue, et que vous m’imposez malgré moi. Gardez votre précieux vin, madame ; c’est la liberté d’agir qui seule me guérirait. Mais il est écrit que je ne serai pour la terre qu’un poids inutile, en face du mal qui s’accroît tous les jours et dont je suis responsable !… Que Votre Seigneurie me pardonne cette visite importune. »

En disant ces mots, M. Gray présenta la main à milady, qui hésita quelques instants avant de la prendre, et qui paraissait profondément blessée. C’est alors qu’il me vit, comme pour la première fois. Il oubliait dans son émotion que c’était moi qui l’avais reçu ; il approcha de mon lit de repos, hésita plusieurs fois à me faire l’adieu d’usage, finit par me tendre sa main, qui était humide et tremblante, et s’éloigna en chancelant comme un homme pris de vertige.

Lady Ludlow n’était pas moins mécontente d’elle-même que du jeune ecclésiastique ; de mon côté, j’étais fort peu satisfaite du résultat de la conférence ; mais Sa Seigneurie ne parlait jamais de ses impressions, et je n’étais pas fille à m’oublier au point d’aborder un sujet qu’elle n’entamait pas la première. Toutefois, elle vint auprès de ma couche, et fut tellement bonne, tellement affectueuse, que ses marques de tendresse, jointes à la pensée