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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/185

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LADY LUDLOW.

jeune ecclésiastique ignorât la mauvaise réputation du pauvre Job, soit qu’il trouvât que c’était une raison de plus pour s’intéresser à lui, il eut pour la brebis galeuse une bienveillance dont le résultat fut de transformer le païen grossier, le géant sauvage, n’ayant connu jusqu’à présent que la loi du plus fort, en fidèle esclave de ce faible prêtre modeste et maladif.

Gregsone n’avait pour M. Horner qu’une sorte de respect bourru ; il supportait avec peine l’accaparement d’Henry, et murmurait tout bas contre cette espèce de monopole qui lui enlevait son enfant. La mère acceptait de meilleure grâce les droits que le régisseur s’était arrogés sur son fils ; l’espérance de voir un jour celui-ci occuper une position moins pénible, et surtout plus honorable que celle où se débattait son père, lui faisait étouffer sa jalousie maternelle. Mais le braconnier avait eu trop de fois maille à partir avec l’intendant pour qu’une entente cordiale pût jamais régner entre eux ; même aujourd’hui, qu’il ne devait songer à M. Horner qu’avec reconnaissance pour toutes les bontés dont son fils était l’objet, il fuyait la vue du régisseur, qui de son côté avait besoin de toute sa réserve naturelle et de son empire sur lui-même pour ne pas mettre sous les yeux d’Henry la conduite de Job, comme exemple du mal qu’il devait éviter.

Nul motif de répulsion, au contraire, n’existait chez Gregsone à l’égard de M. Gray ; il avait pour lui un sentiment de protection que lui donnait sa supériorité physique, et admirait le courage moral de cet être débile qu’il aurait broyé entre ses doigts, et qui n’avait pas craint de venir lui reprocher ses torts, avec une liberté de langage que personne n’eût osé prendre à sa barbe. Et puis M. Gray lui avait témoigné tant de confiance ! il avait fait appel à ses bons sentiments avec tant de calme et de