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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/269

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UNE RACE MAUDITE.

C’est en Béarn, surtout, que les individus atteints de cette folie étaient redoutés par les habitants ; les sabotiers béarnais, qui allaient couper leur bois dans les forêts situées à la base des Pyrénées, craignaient par-dessus tout de s’en approcher à l’époque où la cagoutelle s’emparait de la gent maudite. Les vieillards du pays gardent encore le souvenir d’un homme qui, ayant épousé une cagote, avait l’habitude de battre vigoureusement sa femme dès qu’il voyait apparaître chez elle les premiers signes de frénésie ; et quand, à force de coups, il l’avait réduite à un état salutaire d’épuisement et d’insensibilité, il l’enfermait jusqu’au jour où la lune entrait dans son déclin. S’il ne s’était pas servi de moyens aussi énergiques, disent les narrateurs du fait, personne ne peut savoir ce qui serait arrivé.

Depuis le XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe, les faits abondent qui prouvent l’exécration dont ces malheureux étaient l’objet, soit qu’on les appelât cagots ou cahets dans les Pyrénées, caqueaux en Bretagne, ou vaquéros dans les Asturies. À diverses reprises, les plus intelligents de ces parias avaient essayé de combattre l’odieux préjugé dont ils étaient victimes ; mais il ne fallut rien moins que la révolution française pour les faire rentrer dans le droit commun. Le procès fameux qui fut jugé dans le Béarn en 1718, en est la preuve. Un riche meunier, qui s’appelait Étienne Arnaud, et qui, suivant les pièces du procès, était de la race des Gotz, Quagotz, Bizigoths, Astragoths ou Gahetz, avait épousé une cagote de Biarritz ; Étienne, dont la fortune s’était augmentée par ce mariage, ne voyait pas pour quel motif il continuerait d’entendre l’office près de la porte de l’église, et ne remplirait pas des fonctions publiques dans la commune, dont il était le principal habitant. Il adressa donc une requête à la justice, par laquelle il demandait à être