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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/282

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AUTOUR DU SOFA.

Elle lui donna bientôt une jolie petite fille, blanche et rose, qu’on appela Augharad, comme sa mère ; puis le temps s’écoula sans que rien de nouveau se produisît au manoir, et les vieilles femmes avaient déclaré qu’on n’y bercerait plus d’enfant, lorsque mistress Griffith mit au monde un fils, héritier de Bodowen. Non-seulement elle avait beaucoup souffert durant tout le temps de sa grossesse, mais elle resta languissante pendant quelques mois, et succomba sans avoir eu la force de réagir contre le mal.

Robert aimait d’autant plus sa femme qu’il avait peu d’amis ; sa douleur fut excessive, et, dans son désespoir, il ne trouva d’autre consolation que de s’attacher à son fils. La sensibilité féminine dont il était doué naturellement, fut évoquée tout à coup par le pauvre orphelin qui lui tendait les bras avec cette ardeur suppliante qu’en général les enfants n’éprouvent que pour leur mère.

Augharad fut presque négligée ; le petit Owen devint le maître absolu du manoir ; sa sœur, elle-même, ne tarda pas à l’aimer d’une tendresse toute maternelle. Jamais il ne quittait son père, et le temps ne fit qu’augmenter cette habitude : singulier genre de vie, aussi peu naturel que fâcheux ! Il faut aux enfants de brillantes petites figures qui les regardent en souriant, des éclats de rire sonores, des voix claires et joyeuses ; tandis qu’Owen, dont la sœur, pauvre orpheline, était souvent bien triste, partageait la solitude de son père, que celui-ci restât dans la sombre pièce qui renfermait ses antiquités, ou qu’il s’enfonçât dans les montagnes pour chasser, ou se promener à l’aventure.

Lorsqu’ils arrivaient au bord de quelque ruisseau écumant, trop difficile à franchir pour Owen, Robert prenait l’enfant, qu’il déposait avec précaution sur l’autre rive ; quand celui-ci était fatigué, il le couchait dans ses bras,