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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/284

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AUTOUR DU SOFA.

Owen écoutait en tremblant les paroles de son père, et, voulant jouir encore de l’émotion qu’elles lui avaient causée, redemandait cette légende, que Griffith lui redisait en y mêlant ses caresses, et en s’arrêtant pour l’interroger sur son amour. L’enfant répondait avec effusion ; mais parfois sir Griffith repoussait les baisers d’Owen, et lui criait d’une voix amère : « Va-t’en ! Va-t’en : ne sais-tu pas comment tout cela doit finir ? »

Owen allait avoir douze ans, et sa sœur Augharad dix-sept ou dix-huit, lorsque le recteur de la paroisse vint trouver sir Robert, et le pressa vivement d’envoyer son fils en pension. Cet ecclésiastique était le seul ami intime du squire, dont il partageait les goûts ; à force de répéter à celui-ci combien sa manière de vivre était fâcheuse pour un enfant de l’âge d’Owen, il finit par l’en convaincre. Bref, malgré la répugnance qu’il avait à se séparer de son fils, Robert plaça Owen à l’école grammaticale de Bangor, que dirigeait à cette époque un humaniste éminent. Une fois sorti de la maison paternelle, le jeune Griffith prouva que le recteur s’était trompé en disant que la vie de Bodowen lui avait atrophié l’intelligence ; il étonna ses professeurs par la rapidité de ses progrès, et se distingua surtout dans l’étude des langues anciennes, qui faisait, à vrai dire, la réputation du collège de Bangor. Mais il avait peu de succès parmi ses camarades ; son désintéressement, sa générosité même ne rachetaient pas auprès d’eux son caractère chagrin et fantasque ; et la violence qui le dominait parfois, violence dont il avait hérité de son père, lui faisait perdre le bénéfice de sa douceur habituelle.

Au bout d’un an, lorsqu’il vint en vacances, notre écolier fut tout surpris d’entendre dire que sa sœur Augharad, jusqu’ici restée dans l’ombre, allait épouser un gentilhomme gallois qui demeurait dans le midi de la