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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/303

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LA DESTINÉE DES GRIFFITH.

un moment, et, s’adressant ensuite à son fils : « Quelle est cette femme ? » demanda-t-il avec effort.

Owen hésita un instant, puis d’une voix ferme et douce :

« Mon père, dit-il, cette femme est la mienne. »

Il tenta de s’excuser d’avoir été si longtemps sans parler de son mariage, et demandait à son père de lui pardonner cette faute ; mais le squire ne voulut rien entendre.

« Vous l’avez épousée, s’écria-t-il écumant de fureur, épousé Nest Pritchard ! Ils me l’avaient bien dit ! Et vous osez rester devant moi, comme si vous n’étiez pas à jamais déshonoré par cette union ! L’infâme prostituée, dans sa feinte modestie, prend déjà l’air de grandeur qui convient à la future maîtresse de Bodowen ; mais je remuerai ciel et terre avant que cette femme indigne ternisse de son ombre le seuil de ma maison.

— Sir Griffith, s’écria Owen à son tour, quiconque vous a dit que Nest Pritchard était une prostituée, vous a fait un mensonge, un mensonge aussi noir que l’enfer, ajouta-t-il d’une voix tonnante, en faisant un pas vers le squire. Elle est aussi pure que celle que vous aimez, reprit-il ; j’en prends Dieu à témoin ; aussi pure que la mère qui m’a donné le jour, et qui est partie de ce monde, où je suis resté seul pour lutter contre les maux de la vie. Croyez-moi, je vous le répète, elle est pure comme la sainte que vous avez tant pleurée.

— Pauvre fou ! » répliqua sir Griffith.

Au même instant, le petit Owen, qui regardait son père, ne pouvant comprendre ce qui avait pu enflammer ce regard où il n’avait jamais vu que douceur et tendresse attira l’attention du squire dont il augmenta la fureur.

— Oui, pauvre fou ! continua le gentilhomme, pauvre sot, qui presse sur sa poitrine l’enfant d’un autre, comme si c’était son fils.